La théorie des invariants - Une approche effective

La théorie des invariants trouve sa source au début du XIXième siècle dans les travaux de Boole et de Cayley. La question initiale portait sur des courbes semblables : si on se donne deux courbes données par une équation carrée en deux variables, comment savoir si elles représentent les mêmes courbes ? Le même, ici, désigne le fait qu'il est possible d'effectuer un changement de repère pour que les deux courbes coïncident. Une approche mathématique de ce problème montre qu'on peut trouver des invariants associés à ces courbes quadratiques : il suffit alors de comparer ces invariants pour pouvoir répondre à la question posée. Remarquons qu'il existe une belle introduction géométrique à ce sujet dans un livre de Gurevich - Foundations of the Theory of Algebraic Invariants.

Si maintenant la question est posée sur des courbes de degré 3, 4, etc, l'idée de faire intervenir des invariants reste la même. Et le terrain mathématique commence à devenir fertile : en effet l'ensemble des invariants (polynomiaux) va former une algèbre graduée, et la première question qui a été posée a porté sur la finitude de cette algèbre : un nombre fini d'invariants permet-il de générer la totalité de l'algèbre ? Nous retiendrons ici deux contributions :

      1) La première concerne Paul Gordan, en 1968. Il démontre en effet que, quelque soit le degré de la forme binaire considérée (l'objet qui va déterminer la courbe), l'algèbre des invariants est toujours finie ;

      2) La deuxième concerne David Hilbert qui, en 1898, démontre la finitude de l'algèbre des invariants dans un cadre beaucoup plus général ;

Suite à la découverte de David Hilbert, la communauté mathématique s'est alors désintéressée de cette question des invariants (ils avaient d'autres chats à fouetter en cette période qui correspond tout de même a la période de la crise des fondements !!). Malgré tout, bon an mal an, une question demeurait : celle de la détermination effective de ces invariants, et celle d'une description plus fine de cette algèbre des invariants. C'est alors Hermann Weyl qui, dans un livre célèbre, de part richesse et sa difficulté - The classical groups - redonne vie à cette théorie, en privilégiant une approche issue de la théorie des représentations linéaires de groupes classiques.

Le grand essort de la géométrie algébrique, dont les prémisses se trouvent chez Hilbert, mais qui a acquis toutes ses lettres de noblesses sous l'impulsion d'Alexandre Grothendieck, a permi alors de donner une forme moderne (et souvent très abstraite) a la théorie des invariants. On peut citer a ce sujet les travaux de Gian-Carlo Rota ou de Jean Dieudonné. Néanmoins, la question de la détermination effective de ces invariants demeurait ouverte : il était difficile d'obtenir des méthodes permettant de dépasser le degré 4 !

Notre travail tente donc de renouer avec les travaux dits "des anciens", tout en tenant compte des formes et théories plus récentes pour développer et mieux comprendre cette algèbre d'invariants, dans le cadre faussement simple de l'action du groupe spécial linéaire sur l'espace des formes binaires. Citons pour conclure un travail important effectué par le prolixe Peter Olver dans son livre Classical Invariant Theory qui nous a beaucoup apporté.